Un toast à base de caviar et de champagne, ça vous dit ? Mais attention, ce toast-là se mérite : il n’est possible qu’un seul mois par an (en avril), et se fait au terme d’une longue expédition, les skis au pied. Car voyez-vous, ce toast-là se fait au point le plus septentrional de la planète ! Cette aventure, extrêmement coûteuse, est réservée à une minorité. Et si vous souhaitez le faire à skis, il vous faudra une excellente forme physique. Mais elle vous permettra d’accéder au très exclusif Club polaire, essentiellement composé d’explorateurs. Si vous ne vous sentez pas prêt à le faire à skis, rassurez-vous : vous pouvez également le faire en hélicoptère, dans le cadre d’une expédition exceptionnelle. Celle-ci est tout aussi exclusive. Pour vous donner une idée, parmi ceux qui l’ont expérimentée figurent l’astronaute Neil Armstrong et Edmund Hillary (qui est ainsi devenu le premier homme à être allé aux deux pôles et au sommet de l’Everest).
A skis, l’expédition est un véritable challenge personnel. L’explorateur italien Reinhold Messner a qualifié la traversée de l’Arctique d’ « Everest horizontal ». En 1995, il a d’ailleurs tenté l’expérience avec son frère Hubert, de la Sibérie au Canada en passant par le point le plus septentrional du globe, mais ils ont échoué. D’autres, en revanche, ont réussi. Et le livre d’or des explorateurs polaires est bien rempli, de Roald Amundsen, qui y parvint en 1927 à bord du dirigeable Narge lors de la première expédition scientifiquement attestée, à Borge Ousland, un autre Norvégien qui, parti de l’île d’Ellesmere, au Canada, a atteint le pôle Nord en 58 jours, au cours du premier trekking à skis sans aide extérieure, en 1990.
À la différence de l’Antarctique, qui est un continent, le pôle Nord est « juste » une coordonnée géographique. A cause du vent et des courants océaniques, la banquise arctique est une immense étendue de glace épaisse d’au moins 2 m qui se déplace constamment à une vitesse allant de 0,1 à 0,3 km/h. C’est pour cette raison que la Base polaire arctique, désignée par l’acronyme de Barnéo, qui appartient à une mission scientifique russe, doit être construite, puis démantelée, chaque année. Accessible en avion depuis Longyearbyen, au Svalbard, Barnéo est aussi la base opérationnelle des rares tours-opérateurs hyperspécialisés qui proposent une expédition de trekking à skis au pôle Nord, très coûteuse mais bien organisée. Depuis la base, il faut à peu près cinq jours, à raison de 8-9 heures les skis aux pieds, en parcourant en tout près de 100 km, pour rejoindre la destination la plus septentrionale de la planète. Où, comme c’est devenu la tradition, on célèbre le succès de l’entreprise lors d’une fête (glaciale) à base de caviar et de champagne. Vous n’aurez jamais autant apprécié un toast qu’après une expédition comme celle-là !